L’habitat traditionnel au Japon

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L’habitat traditionnel au Japon est régi par un certain nombre de codes ; ils organisent les savoir-vivre de la famille. Plus qu’une simple maison, l’habitat traditionnel est en lien avec une philosophie de l’habiter et une relation spirituelle avec les éléments naturels.

Une philosophie de l’habiter

Avant toute autre chose, la maison traditionnelle au Japon est le reflet de l’impermanence de l’être humain. Il en va de même pour tout ce qui est matériel. Ces maisons sont construites avec des matériaux humbles, comme le bois ou la terre battue. L’habitat nippon est avant tout un éloge de la beauté éphémère de tout ce qui est ordinaire.

Il existe un lien très profond entre la maison traditionnelle nippone et les éléments naturels. Une ambiguïté règne entre l’intérieur et l’extérieur. Il n’y a plus de dehors ni de dedans ; tout n’est qu’une transition perpétuelle. Une grande importance est d’ailleurs accordée aux espaces d’entre-deux. Ce sont dans ces espaces que « tout se déroule ».

L’art de l’habiter au Japon repose également sur une philosophie spatiale. L’Homme est vu comme un élément qui progresse dans l’espace. Il suit un cheminement, et tout son parcours se base sur la découverte progressive de son milieu. Dans la maison, cette philosophie est incarnée par des pièces en enfilade, ou encore des changements dans la matérialité et les niveaux des sols.

Une maison en lien avec les éléments

Tout comme la philosophie qui l’anime, la maison traditionnelle au Japon incarne des valeurs spirituelles, presque religieuses. Le shintoïsme, religion très répandue dans le pays, place les éléments naturels comme des éléments de référence. Ainsi, les montagnes comme les mers deviennent des repères pour l’Homme. Comme les villes japonaises, la maison est conçue en les prenant en compte.

Sur cette base, il est plus facile de comprendre l’importance dans la tradition d’avoir une échappée vers le ciel. La végétation occupe elle aussi une place à part entière. Elle constitue l’aboutissement du parcours, la profondeur sacrée de son chez-soi. Traditionnellement, chaque maison possède un voire plusieurs jardins, avec à chaque fois une percée vers le ciel. Il existe également un rapport explicite entre l’ombre et la lumière. Si les espaces « intérieurs » sont relativement sombres, les jardins sont baignés de lumière. Ce sont eux qui éclairent les pièces. Cette dynamique peut se voir comme un rappel de l’ascendant donné au naturel, par rapport à ce qui est humain, donc matériel et éphémère.

La maison comme reflet de l’institution familiale

Si les éléments naturels régissent une grande partie de l’organisation spatiale de la maison japonaise, les codes sociétaux ne sont pas en reste. La transparence quasi-parfaite entre les espaces, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, offre une vision de la notion de vivre-ensemble. En effet, les pièces en enfilade, qui donnent toutes sur les jardins intérieurs, laissent peu de place à l’intime. Au Japon, la maison est pensée comme un moyen de se recentrer sur soi et sur sa vie de famille. Le parcours est mis en place pour créer une véritable coupure entre le monde professionnel et la vie familiale.

Les traditions familiales ont, avec le temps, codifié un art de vivre. L’importance de la cérémonie du thé dans les mœurs a amené à la création d’un espace au sein de la maison qui lui était dédié. Les différentes pièces sont classées par importance hiérarchique. Le sol des pièces dites « nobles » sont faits de parquet, voire de tatamis. Celui des pièces ingrates, comme la cuisine, sont en terre battue.

L’habitat traditionnel au Japon est construit selon un ensemble de codes empruntés à la spiritualité. On y retrouve l’influence de la vision japonaise de la spatialité. La nature y est omniprésente et dialogue avec les espaces. Elle le fait au moyen de divers dispositifs. Toutefois, l’organisation de la maison nippone est avant tout le reflet d’une société, et de l’importance accordée à la vie de famille. Cette-dernière, si elle n’est plus aussi effective aujourd’hui, semble tout de même perdurer, malgré l’émergence de nouveaux modes de l’habiter.

Clémence Schissele